Les Versets Sataniques

Requête d’Élise, a découvert récemment à quoi faisait référence le titre du livre et serait donc curieuse d’en connaître le contenu.

Quand ton amie chômeuse au lycée, elle déjeunait chaque semaine avec des amis fréquentant un lycée voisin du sien – Louis le Grand, pour ne pas le citer. Je me souviens de mes efforts pour éviter que la conversation ne dévie vers l’œuvre qu’ils étudiaient en cours de littérature : Les Versets Sataniques. Quand ils commençaient à en parler, ils étaient intarissables, et ma participation était exclue car chez moi, on en était aux Fleurs Bleues de Queneau (dont j’aurais pu parler des heures, mais étant en minorité, c’était difficile).

Je me suis donc réjouie de la requête de ma cliente qui allait peut-être me permettre de relancer le sujet, une dizaine d’années plus tard. Ou peut-être pas.

Disons-le d’emblée : ton amie chômeuse aurait bien aimé avoir un prof pour la guider dans cette lecture difficile. J’ai ouvert le livre aux alentours de la mi-août et ne l’ai refermé qu’avant-hier, ce qui est un temps extrêmement long pour ton amie chômeuse, qui, rappelons-le, n’a rien d’autre à foutre.

Première difficulté à surmonter : je suis une bille absolue en matière de religions. J’ai d’ailleurs accepté la requête d’une cliente me demandant de lire la Bible pour remédier partiellement à ce problème (elle est dans ma bibliothèque, pour l’instant on s’apprivoise, je l’ai feuilletée hier, peut-être que j’en entamerai la lecture la semaine prochaine). Si bien que j’ai mis un temps infini à réaliser que le personnage de Mahound était sans doute Mahomet et que heeeeeeeein, tu m’étonnes qu’ils soient vénères, les mecs qui lapident les femmes adultères et les homosexuels. Il est à peu près certain que je suis passée à côté de 60% (estimation) de ce qui est raconté dans le livre et que quelqu’un de plus érudit en aurait fait une lecture toute autre.

Mais les Versets Sataniques sont avant tout un roman, avec une histoire romanesque et des personnages romanesques à qui il arrive des aventures romanesques, bon sang, j’allais donc pouvoir en retirer quelque chose. Second obstacle : Salman Rushdie écrit d’une manière très inventive, qui paraît déconstruite au début et qui s’avère vite extrêmement complexe et bien pensée. Il n’empêche, le fil de la narration est parfois tortueux (voire emmêlé), on revient souvent en arrière pour essayer de se souvenir de quoi/qui il parle, en un mot : c’est chaud.

Je tente un résumé. Gibreel Farishta est une star de Bollywood spécialisée dans l’incarnation de tous les dieux du panthéon. Saladin Chamcha est né en Inde et installé à Londres, il est obsédé par l’idée de faire sienne cette île anglaise qu’il juge si parfaite et sophistiquée. Les deux hommes se trouvent côte à côte lors d’une prise d’otages dans un avion qui finit par exploser en vol, et survivent au prix d’une transformation radicale, puisque l’un devient l’archange Gabriel et l’autre, le Diable, avec sabots, queue et haleine pestilentielle.

Gibreel se débat avec ses rêves du prophète Mahound et de la naissance de l’Islam, il ne sait comment interpréter la trouble mission qui lui a été confiée. Chamcha pour sa part est recueilli par « les siens », ces indiens et pakistanais émigrés dont il a passé sa vie à essayer de se distinguer ; tous deux flirtent avec la folie (tu m’étonnes).

J’avoue avoir failli interrompre ma lecture plus d’une fois, mais je me suis mis un coup de pied au cul car je sais qu’en littérature, l’effort est souvent récompensé par de beaux moments d’émerveillement. Dans ce roman foisonnant, où l’histoire passe d’un siècle à l’autre, où les hommes veulent faire le bien moyennant quelques détours par le mal, le beau se niche partout, dans la richesse de la langue comme dans les histoires d’amour et d’ego qui sont décrites avec autant d’intelligence que d’humour.

En somme et pour répondre à ma cliente, ça vaut le coup, mais il faut se mettre en quête d’une bibliothèque à emprunt renouvelable.

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6 commentaires

  1. Un mot: respect.
    Parce que j’ai trouve le livre super difficile ( et pourtant je suis de culture musulmane).
    Salman rushdie t’aime.

  2. Vouuuuu ! ben mon colon ! On ne peut que louanger le zèle que tu apportes à ta tâche ! Une chômeuse militante, en quelque sorte !
    Note que c’est si bien fait qu’en notant quelques détails, on pourra briller en société à peu de frais ! Merci, donc, mon amie chômeuse !

  3. Ah oui lire Salman Rushdie ça se mérite ! Je n’ai pas lu celui-ci mais d’autres et effectivement il faut suivre son écriture tortueuse. Si tu as envie de poursuivre, je te suggère « La terre sous ses pieds » du même auteur, roman très rock n’roll !

  4. « heeeeeeeein, tu m’étonnes qu’ils soient vénères, les mecs qui lapident les femmes adultères et les homosexuels ». Ce n’est pas comme ça que tu risques d’améliorer ton niveau en matière de religion chère amie chômeuse.
    Commencer par ce livre n’est pas la meilleure des choses à faire non plus 🙂
    Salam.

  5. Quelle surprise de voir ma requête, alors que j’avais – honte suprême – oublié que l’avoir faite. Heureusement que tu cites tes requêteurs et requêtrices.
    Un grand merci à toi! J’ai quelques livres en attente sur ce qui me sert de table de chevet mais aussi un peu de temps devant moi pour me lancer à mon tour à la découverte de Mr. Rushdie, ton article tombe donc à pic.
    PS: J’ai beaucoup aimé Les Fleurs Bleues.

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