(Requête d’Aurélie, se marie bientôt, Mazel Tov, et enterre la jeune fille en elle en attendant)
Drôle de tradition que celle de l’enterrement de vie de garçon/jeune fille. Il me semble que c’est assez récent et que ça ne vient pas de chez nous (comme Halloween). Je ne crois pas que la génération de nos parents allait vendre des feuilles de papier toilette déguisée en fée avant d’unir leurs destinées. Samedi dernier, j’étais contente que les meilleures amies de la future mariée aient décidé de la jouer sobre, surtout quand nous avons croisé cette fille habillée en vache, suivie par une petite troupe de copines enguirlandées de colliers de fleurs. Elles n’avaient pas l’air de s’amuser les pauvres, et je me suis demandée en vertu de quoi elles s’imposaient pareille épreuve.
Pour fêter la mort de la jeune fille et l’avènement de la femme grâce aux liens sacrés du mariage, nous sommes donc allées au Sauna de Paris. L’odeur de tabac froid, à laquelle nous ne sommes plus habitués depuis que la loi nous a mis à l’abri du tabagisme passif, saisit dès le hall d’entrée. La dame qui s’occupe de l’accueil est aussi blonde que sa bouche est gonflée, et dans sa main aux ongles french-manucurés, une cigarette se consume doucement. Ça faisait longtemps que je n’avais pas croisé un si beau specimen, depuis que je ne vais plus à Cannes en fait. Elle nous donne un bracelet avec clé à chacune et nous invite à nous diriger vers les vestiaires. La fréquentation du hammam ce jour-là était mixte. Fait étonnant : toutes les femmes portent un maillot de bain, alors que les hommes se contentent de nouer nonchalamment autour de leur taille (ou ce qu’il en reste) le « paréo » fourni par l’établissement.
Déception : le hammam ne fournit ni gant de crin, ni savon rigolo ; nous ne pourrons pas jouer avec nos peaux mortes, ce qui constituent 70% du plaisir du hammam. De plus, seule la mariée aura le droit à un massage gratuit. Quand elle est revenue le visage détendu et le cheveu hirsute, je me suis demandée si ça ne valait pas le coup de me marier pour y avoir droit aussi.
Après 1H30 de chaud-froid, nous allons à l’étage, où on nous a promis un thé à la menthe et « quelques petites bêtises » (des crêpes au sucre). Je n’arrêtais pas de penser à cette scène géniale du film Les Promesses de l’ombre, de David Cronenberg, où Viggo Mortensen se bat dans le hammam, mais en arrivant dans la salle du restaurant, c’est plutôt dans l’univers de Guy Ritchie que nous avons débarqué. Toutes les tables étaient occupées par de gros bonshommes, cigares au bec, entrain de jouer aux cartes en peignoir, leur chair flasque débordant des chaises.
Évidemment notre arrivée n’est pas passée inaperçue, et nous avons instinctivement resserré les ceintures de nos peignoirs. Il ne s’est pas passé 3 minutes avant qu’un très gros monsieur vienne dire à Aurore qu’elle lui faisait penser à cette actrice italienne, là… Aurore est blonde, mais comme elle a les yeux très clairs, j’ai hasardé un «Valeria Golino ?». Non… Le gros monsieur est agacé, ses collègues se poussent du coude et rient grassement. « Monica Bellucci ! » s’exclame-t-il enfin. C’était idiot de chercher une ressemblance, c’était simplement un bel exemple de drague idiote, cannoise sans doute, comme la réceptionniste. Il a conclu par « Vous êtes toutes belles ! ». J’ai répondu « Et vous êtes tous gros. », mais sans avoir le courage de le dire fort, de peur que la scène des Promesses de l’Ombre ne se reproduise à mes dépens.
En tout cas, avis aux nostalgiques de la cigarette dans les lieux publics, je crois que ce hammam est la perle rare. Si en plus, vous êtes fumeur ET naturiste, vous avez tout simplement trouvé votre Eden (j’ai cru comprendre en me promenant sur Internet que l’endroit était réputé pour ses sessions tout le monde à poil).
Infos utiles :
Sauna de Paris
15, Rue Fbg du Temple, 75010 Paris
Tel : 01 42 02 05 05
Illustration : Le bain truc, Ingres, 1862