Médite ou crève

Requête de Mathieu, n’en peut plus d’en entendre parler, ça vaut la peine d’essayer oui ou flûte ?

Un jour, ton amie chômeuse était en week-end à la campagne : alors que je donnais une leçon de Badmington à un ami, me vint l’idée que la raclée serait d’autant plus spectaculaire si je changeais de chaussures. Courant dans la maison, je gravis les escaliers à toute allure et ouvris la porte de notre chambre… pour tomber sur une vision qui me laissa interdite. Mon bon ami était assis en tailleur sur le lit, les yeux clos. Comme Siddhârta. « Oh pardon », dis-je en refermant la porte à la hâte. Allons bon, me dis-je. Je n’aurais jamais dû le laisser jouer avec les livres de mon père (S’aimer soi-même et aimer les autres, Sur le chemin de la paix, et tutti quanti).

Une conversation plus tard, il avait réussi à me convaincre de tenter l’expérience avec lui. Quitte à avoir un Bouddha de compagnie à la maison, autant en profiter ; j’ai accepté. La première séance eut lieu sur le champ, et les autres se déroulèrent tout au long des vacances d’été.
Ami lecteur, méditer n’est pas synonyme de réfléchir, ni même de piquer un somme, ce que j’ai longtemps cru (la faute à mon beau-père qui annonçait qu’il allait méditer chaque fois qu’il partait faire sa sieste). Méditer, c’est être éveillé, mais sans rien faire. Et idéalement, sans penser non plus. Être là, simplement. Comme une plante. Et ce qui est dingue ami lecteur, c’est que quand on n’est pas entrainé, et ben on ne sait pas le faire.

Moins d’une minute après le début de l’immobilité (en lotus, le dos droit, les mains posées sur les genoux), on a envie de bouger. On pense à P. qui est entrain de progresser en Badmington dans le jardin, on pense au lave-vaisselle qu’il faut vider, on pense à toutes les choses merveilleuses à côté desquelles on est en train de passer en étant assis là comme un con. Simultanément, débarque la douleur physique. Les fourmis dans les jambes, le mal de dos… Il n’en a pas fallu davantage à ton amie chômeuse pour déclarer que « c’est pourri ton truc ». Mon gourou a regardé sa montre : 2 minutes 20.

La deuxième fois, il m’a suggéré d’observer mon envie frénétique de bouger, ainsi que les pensées qui m’amenaient à la conclusion que je ne pouvais pas rester là. Parce que la méditation, c’est arriver à ne pas se laisser distraire (ce qui explique que c’est une pratique plus facile à entreprendre dans une grotte qu’en boîte de nuit, par exemple).

J’ai donc essayé d’être attentive à ce qui se passait dans ma tête. Et là, il faut admettre que c’est plutôt marrant. On devient le spectateur de ses pensées, et dans mon cas, l’auditeur impuissant des chansons qui me passent par la tête. L’occasion de m’apercevoir que je suis un véritable juke box, connecté 24H/24 sur radio Nostalgie. Des textes romantiques surgissent dans ma tête, sans raison aucune. Des musiques que je pensais avoir oubliées refont surface, du Natalie Imbruglia, du TLC, mais surtout beaucoup de Maxime Leforestier, Charles Trenet, et Jo Dassin, autant d’artistes auxquels je ne pense strictement jamais mais qui constituent, apparemment, la bande originale de mon cerveau.

Pendant les méditations suivantes, je suis devenue un peu meilleure au jeu de l’observation de la naissance des idées. Une fois que j’avais remarqué que la radio était allumée non-stop dans ma tête, j’ai réussi à couper le son, pour me concentrer sur les pensées, sans nécessairement chercher à les suivre. Là aussi, c’est assez rigolo. Je remarque un détail, qui me rappelle un extrait de film (comme dans la série Dream On que je regardais sur Canal Jimmy quand j’étais ado), qui enchaîne sur un souvenir. Et ainsi de suite,  jusqu’à aboutir à une conclusion plus ou moins fascinante (« Ça fait 18 ans que je n’ai pas mangé de flageolets ») dont on ne sait même plus comment elle est arrivée là.

Même constat qu’avec la radio : une fois que j’ai identifié le processus, il s’est ralenti de lui-même, et sont apparues des plages plus ou moins longues de vide, de « calme mental ». Surprise, le vide n’est pas angoissant, il est même plutôt reposant. Haaaaaaaaaaaan, je commence à comprendre le délire. A ce stade, j’étais euphorique : ayé les gars, je suis un putain de yogi, j’arrive à arrêter le flux de mes pensées, dans 2 jours je marche sur des braises et je multiplie les pains, qu’est-ce qu’ya.

C’était il y a déjà plusieurs semaines, et hélas,  je n’ai pas encore d’auréole au-dessus de la tête. D’autres états, moins fun, sont apparus pendant la méditation. Des angoisses. Des sensations cauchemardesques venues straight from childhood sont réapparues intactes, me faisant revivre des moments douloureux (comme les chutes de lit de Mitchoum le lapin).

Alors là, j’ai commencé à ne plus trouver ça drôle du tout la méditation, et j’ai voulu arrêter. Mais il paraît qu’il faut persévérer. Une sombre histoire de découverte de la nature de toute chose.

Pour l’instant ami lecteur, je vais me cantonner aux longues marches et à la piscine. Si tu veux mon avis, c’est moins bien marketé mais c’est pareil.

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5 commentaires

  1. Ce qui est surprenant, c’est qu’en effet la plupart des gens n’ayant jamais pratiqué une approche méditative (ou simplement une activité impliquant une forme d’écoute de notre fonctionnement) semblent persuadés qu’il est normal que le mental fonctionne 24/24 (bon hormis le sommeil profond) et ignorent complètement le fait que l’on puisse vivre avec une forme de tranquillité, de silence intérieur dans le quotidien. Je crois même qu’un grand nombre de personnes est carrément angoissé par le terme de « silence » et de « vécu intérieur », ce qui en dit long sur l’état d’agitation permanente de nos contemporains!
    Le simple fait de se poser et de nous observer fonctionner peut nous effrayer car cela nous amène à prendre conscience de notre agitation permanente, des peurs qui nous habitent et de la solitude qui est inhérente à tout être vivant… Mais en même temps, bien pratiqué, la méditation nous libère de nos mécanismes de compensations et de fuites, développe notre capacité à vivre dans l’instant plutôt que se projeter sans cesse dans le passé et le futur, et à vivre dans un espace de tranquillité et d’indépendance fort appréciable.
    Malheureusement un grand nombre de clichés continuent de peser sur cette approche de la vie. (il ne s’agit pas de vivre en ermite coupé du monde, ni de ne penser à rien ou de rester concentrer sur un point des heures durant, c’est bien plus nuancé et riche que cela..), il faut dire qu’elle reste à l’opposé des valeurs véhiculé par la société de consommation et du paraître, fondée sur la nécessité de créer du manque et du besoin chez tout individu pour lui vendre du bonheur…

  2. Bonjour
    moi aussi je viens de découvrir la pleine conscience.
    je verrai bien ce que ça donne !!!
    bon courage et surtout, donne nous des nouvelles.

  3. Chère chomaeuse qui ne l’est plus vraiment et qui je l’espère ne le sera pas d’ici peu….
    Moi aussi j’ai un juke box dans la tête abonné à Nostalgie 1960 – 1980
    Cela m’arrive souvent le matin au réveil quand je suis encore en état méditatif.
    Il est agréable dans ces moments là, de savoir que notre jukebox n’a pas une sortie audio, car la play list est parfois très étonnante de nullité. J’ai même eu le droit à une anomalie : Britney Spears. Cela m’a fortement perturbée toute la matinée : comment mon cerveau a t il pu allouer de la mémoire à « Baby one more Time » et ce dans une version détaillée très surprenante, alors que cela fait plus d’une semaine que j’oublie d’envoyer le chèque pour payer EDF ?
    Quoi qu’il en soit, je trouve que le juke Box ringard est une très belle motivation au silence méditatif.
    Bonne continuation dans votre démarche du silence intérieur

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