Un sujet de gonzesse

Quand je suis tombée enceinte, ma première résolution a été de ne pas faire de ma grossesse un sujet d’écriture. Dans un bel exemple d’auto-dénigrement féminin, il m’a paru évident que l’événement ne méritait pas que je m’y appesantisse, qu’il était mille fois rebattu et inintéressant par nature.

J’aurais aimé te dire, ami lecteur, que j’ai été frappée par une épiphanie féministe (« Alors comme ça, la grande aventure de l’humanité en marche, ce n’est pas intéressant ? Le point de vue d’une femme sur cette maternité qu’on nous présente comme indispensable à notre épanouissement, c’est tout pourri ? Saisis-toi de ce clavier, Louise Michel ! »). La réalité est plus prosaïque. J’ai vite compris que j’étais tellement envahie par ce qui m’arrivait que je n’allais pas pouvoir m’intéresser à quoi que ce soit d’autre ; l’alternative se résumait à écrire sur ma grossesse ou ne pas écrire du tout pendant neuf mois. J’ai commencé le Journal d’une parturiente pour m’accompagner moi-même dans cette expérience qui prenait toute la place.

Le vide littéraire

Au cours de ma gestation, on m’a prêté des livres, beaucoup de livres… Que des guides pratiques. L’éternelle Laurence Pernoud par exemple, ou bien son équivalent moderne, Bébé, dis-moi qui tu es. Je n’en ai ouvert aucun. Je n’ai jamais lu un mode d’emploi de ma vie, sauf celui de Georges Perec. C’est vrai, je ne connais sans doute pas toutes les fonctionnalités de mon lave-linge. Ma façon d’éteindre le four qui hurle « bip bip » consiste à appuyer sur tous les boutons, il doit y avoir une autre façon de calmer sa panique. Mais ça fonctionne.

Fait étonnant, il n’existe pas de véritables récits, de littérature en fait, dont les héroïnes seraient des femmes enceintes ou des mères de très jeunes enfants. Dans Le bébé, l’écrivaine Marie Darrieussecq s’étonne de ce vide ; se peut-il qu’elle ait été la première à décrire avec autant de minutie les premiers instants de vie d’un être humain et la relation qui se noue progressivement entre lui et ses géniteurs ? Se peut-il que tout le monde ait considéré que le sujet n’était pas assez noble, ou, pire encore, que c’était un truc de gonzesse ? Je crains que oui, d’autant plus que j’ai moi-même eu ce réflexe.

Tout ça pour dire ami lecteur que tu vas manger quelques chroniques de la maternité dans les semaines qui viennent. Si je me livre à nouveau à mon impudeur proverbiale, c’est 1- parce que je ne peux pas faire autrement – tu me connais depuis le temps, 2- parce que mon quotidien avec Jean-Coude est politique. Alors attends-toi à entendre parler de périnée.

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2 commentaires

  1. Eh bien moi en tant que congénère primo parturiante, j’ai bien hâte de ces futures chroniques ! Et pas que les intellectuels, les pratiques aussi. En ce moment mon obsession c’est les articles ‘Ce que vous regrettez d’ avoir acheté et ce qui vous a sauvé la vie: vos retours d’expérience puériculture’. Parce que mon PEL et moi on se dit qu’en lisant assez, on pourra peut-être, peut-être, économiser et niquer le système. Qui lui sait très bien faire du placement produit dans les susmentionnés articles et t’embrouiller encore plus (une vraie belle perf étant donné mon niveau de départ déjà très élevé). Juste une idée, et en bonne écriture (merci Jean Coude!)

  2. Il y a Ce que j’appelle jaune, de Marie Simon (Léo Scheer) qui se déroule précisément pendant la grossesse (plutôt la fin dans mon souvenir), jusqu’à l’accouchement, le narrateur est le bébé in utero.
    Au plaisir de vous lire

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