Chronique radio

Ton amie chômeuse parle beaucoup avec les mains, même à la radio

Firmin Gruss, permettez avant tout que je me présente : je suis l’amie chômeuse d’Alex. Et de tout le monde d’ailleurs. En fait je profite de mon chômage pour réaliser les missions que mes camarades travailleurs me confient. Ils sont débordés, ils ne peuvent pas tout faire, alors que moi, eh bien, je ne suis pas débordée. Du tout. Pensez-y si vous avez des étagères à fixer, ou un costume de scène à repriser.

Donc Alex, qui court par monts et par vaux, m’a demandé si je pouvais assister à votre spectacle, les Folies Gruss, qui se joue jusqu’au 23 février à Paris. Enfin à Paris. Plutôt dans le fin fond du bois de Boulogne, derrière le périphérique, après le lac du bois de Boulogne. C’est à dire que pour arriver jusqu’à vous un jour de grève et de paralysie totale des transports, effectivement, il fallait avoir tout son temps. Pas de problème, c’est mon cas.

Je dois être honnête avec vous Firmin, j’ai beau prendre ma mission de chômeuse professionnelle très à cœur, je n’étais pas la candidate idéale pour cette mission. A l’âge de 7 ans, ma grand-mère m’a emmenée au cirque, croyant me faire plaisir. Après 20 minutes, elle a du me sortir du chapiteau. Je pleurais, je criais « Libérez-les ! Sauvez Willy ! ». Alors que c’était même pas d’orques – il n’y avait pas d’eau – c’était des tigres blancs qui sautaient sur des tabourets. C’est ce qu’on appelle un traumatisme.

Autant dire que j’étais très inquiète à l’idée de découvrir des animaux sauvages dans votre cirque. Mais soulagement, car non, pas de tigre, pas d’éléphant ni d’ours déguisé en ballerine, chez vous il n’y a que des chevaux ! Et manifestement, les animaux domestiques ne déclenchent pas la même réaction viscérale chez moi. J’ai donc la joie de vous annoncer que je n’ai pas pleuré. Pour l’occasion je m’étais munie de deux individus de type enfant, Solal et Jim, 12 et 7 ans ; ils peuvent témoigner que je me suis bien tenue.

En revanche, Firmin, qu’est-ce qu’on a eu la trouille. Parce que c’est ça qui est à la fois beau et terrible avec le spectacle vivant : on est assis à deux mètres de vous à peine, on reçoit parfois des petites mottes de sable même, tellement on est près. Et vous, vous faites des trucs extrêmement dangereux !

Vous sautez sur des chevaux qui galopent, vous vous accrochez à des sangles qui vous entrainent dans les airs, vous portez votre épouse, Svetlana, suspendue à un foulard qui est enroulé autour de votre cou – je ne sais si vous voyez la confiance qu’il faut avoir en son mari, et en les cervicales de son mari, pour réaliser une acrobatie pareille. Le tout, pour Svetlana, en faisant le grand égard et sans jamais se départir de son sourire. Je dois vous dire que sur l’histoire des cervicales, Solal était assez pessimiste, il a dit : « Il va mourir ».

Vous faites donc ce qu’on appelle dans le jargon des « trucs de ouf ». Rien qu’à vous regarder, on est tellement tendus qu’on a mal partout – ce qui est paradoxal parce que c’est quand même vous qui bossez. Quand Charles Gruss – votre neveu, si j’ai bien compris – effectue un salto arrière debout sur un cheval au galop, j’ai bondi sur mes deux pieds et crié « Wouhou ! » sans même m’apercevoir de ce que j’étais en train de faire. J’étais à ce niveau d’excitation, Firmin.

Il faut néanmoins que je vous transmette l’ultime réflexion de Solal. Vous voyez le spot tout en haut à droite, qui est manipulé par un technicien qui n’a pas le vertige ? Eh bien malgré la musique, Solal a remarqué que ce spot grince. Je vous livre donc sa recommandation : « Il faut mettre de l’huile ». A part pour ce détail, je vous remercie pour cette excellente soirée.

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