#Test- Ne rien dépenser pendant une semaine

Requête de Sophia Laure, aimerait savoir si c’est possible.

Tu la connais, ton amie chômeuse est une sacrée aventurière. À peine cette requête reçue, je me suis mise en contact avec ma cliente pour en préciser les modalités. Nous avons conclu que j’avais le droit de faire des courses alimentaires la semaine précédent celle du défi, mais pas de quoi tenir un nouveau siège des Allemands : des courses normales. Interdit de demander asile à la boulangère en cas de fringale ou d’appeler Papa en chialant.

Ensuite, ma cliente a décrété que je ne devrai pas prendre les transports en commun, sauf le Vélib’ éventuellement. Bien sûr elle ne sait pas qu’il est hors de question que je monte sur une des ces machines du diable (ton amie chômeuse a appris à manier le vélo sans petites roues sur le tard, et s’y sent à peu près aussi à l’aise que sur un dromadaire, c’est-à-dire pas). Cette restriction me laissait donc avec mes seuls pieds comme moyen de locomotion (je rappelle que ton amie chômeuse habite à Paris ; ce n’est pas Los Angeles, mais ce n’est pas Bruxelles non plus). Il était également interdit de passer la semaine sous la couette (pour une fois). Bien.

Ton amie chômeuse a l’habitude de ruser : elle sait s’incruster en vacances dans les maisons des autres, se faire inviter à dîner (sans coucher) (la plupart du temps), trouver des fringues à moitié-prix, elle connaît les bons plans coiffeurs à 5 euros et possède toutes les cartes de fidélité de la Terre. Mais j’ai fait le constat cette semaine que vivre en dépensant peu était très différent de vivre en ne dépensant rien.

1ère épreuve : la nourriture
Bien sûr, j’avais encore largement de quoi manger. Ce qui est très vite venu à manquer en revanche, c’est le petit truc en plus : le pistou qui égaye les pâtes, le morceau de baguette pour saucer, le carré de chocolat qui enchante la fin du repas. Ton amie chômeuse s’est dit qu’elle allait en profiter pour perdre deux kilos, mais finalement, pleine de ressources, elle a développé des trésors d’ingéniosité et en a plutôt gagné un (ex : tiens, il me reste un œuf et du lait, si je trouve un peu de farine, je me fais une crêpe en dessert. Sauf que « une » crêpe, ça n’a jamais existé).


2ème épreuve : les déplacements
Ton amie chômeuse a vite compris que toute marcheuse chevronnée doit toujours avoir dans son sac une paire de baskets et un tee-shirt de rechange. Après une journée, j’ai décidé de ne plus quitter mes baskets, c’était plus simple. Le lendemain, j’adoptais le tee-shirt de sport pour la journée, après tout, il n’est pas si moche. Le 3ème jour j’ai fait péter le jogging.

Jusqu’à 45 minutes de marche, j’ai trouvé l’exercice plutôt agréable. Au-delà, je suis devenue machiavélique, j’ai plutôt chercher à me faire raccompagner en scooter ou en taxi.

3ème épreuve : la vie sociale
Ton amie chômeuse a pu continuer à aller à la piscine et au musée, puisque vive la France, c’est gratuit, mais ces activités aux horaires chômeurs sont désespérément solitaires… Fréquenter des frères humains sans avoir à dépenser le moindre euro, voilà qui s’est révélé compliqué.

– Au café : « Et pour vous mademoiselle ? » « Rien merci ».
– Le samedi soir, arrivée à une soirée chez des amis : « Saaaaalut ! Non, j’ai pas trouvé de gin, mais je t’ai apporté une bouteille de vodka à peine entamée. »
– Le dimanche : c’est la bien la première fois que ton amie chômeuse était ravie de participer à un déménagement. C’est la seule activité conviviale, gratuite (manquerait plus que ça), et pourvoyeuse de bonbons à gogo. Comme c’était un gros déménagement, on a eu droit au petit-déjeuner, au déjeuner, au goûter et à l’apéro, et on s’est bien marrés. Bon plan, et je n’aurais jamais cru dire ça.

La première chose qui m’ait fait craquer, c’est la flemme. Je n’en pouvais plus d’être sapée comme Mel C, et quand il a fallu rentrer d’Odéon jusque dans le 18ème arrondissement, j’ai pris le métro. C’était au soir du 5ème jour seulement.

Mais ce dont ton amie chômeuse s’est surtout rendue compte, c’est qu’elle n’allait pas pouvoir tenir très longtemps en mode pique-assiette ; elle a vu débarquer de nulle part des concepts un peu surannées comme l’amour-propre par exemple…

Parce qu’au bout du compte, ne pas avoir d’argent ici-bas, c’est être mal élevé. Ne pas renvoyer l’invitation quand on a été reçu, ne pas avoir apporté une bouteille (non entamée) à un dîner ou à une soirée, voilà des impairs qu’on a appris à ne pas commettre.

La différence entre peu et pas d’argent, c’est l’exclusion, tout simplement. On a beau faire des blagues avec un truc qui s’appelle Mon amie chômeuse, on se rend bien compte que le mot ne revêt pas la même signification pour tout le monde… Combien de chômeurs en fin de droits en 2010 ?

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24 commentaires

  1. Merci beaucoup mon amie chômeuse d’avoir si courageusement relevé ce défi extrême. Non, tu n’as pas échoué ! Tu as mené l’expérience avec beaucoup de sérieux et de rigueur. Tu peux en être fière! Pour ce qui est du résultant, j’avoue que je n’avais, à prime abord, pas pensé aux conséquences sociales de la chose. Mais, tu as bien raison: ne pas avoir d’argent pour « entretenir » une vie sociale c’est faire face inévitablement à l’exclusion et c’est très dur pour la confiance en soi… Allez zou, vas te payer une baguette et un pot de Nutella, des cafés, de vraies sorties et du vin avec les amis… tu le mérites bien!

  2. Intéressant ! Entre la personne qui pratique l’ascèse volontairement et celle qui est à la rue et la subit, il y a une différence, cruelle.
    Cependant, fantasmant sur l’ascèse que j’aimerais bien pratiquer un jour (?), tu me donnes envie de tenter l’expérience ! J’imagine qu’on peut pratiquer le yoga et la méditation à volonté ??

  3. Pour une expérience ascétique qui coûte que dalle, il y a toujours la semaine sans mensonges… avec tout autant de conséquences sociales et d’enseignements personnels à la clé.
    3 jours c’est mon maximum pour le moment (on pourra comparer, comme les résultats au flipper)

  4. Salut à tous.
    J’étudie la recherche d’emploi depuis trois ans maintenant, et ce n’est pas faute d’avoir essayer de passer à la pratique.
    M’enfin… pas la gueule qu’il faut, pas de parents qui bossent au gouvernement, pas le permis, pas le bac ni autres diplômes et pas une thune en poche…
    Avoir 20 ans à Montpellier… pas évident de s’incruster socialement, surtout qu’en on a quitté le bahut depuis un moment.
    J’ai opté de façon très naturelle pour un réseau ‘hippie’, on partage des éclats de rires au jardin public, ça ne réclame pas un sous, bien que cela reste une option plus agréable en été qu’en hiver.
    Mais de temps en temps on revient avec de quoi s’acheter une baguette quand les passants déposent une p’tite pièce dans le béret des baladins…
    Je me suis attachée à cette vie là, on est un peu tous dans des situations qui demandent de la ressource constante, sans l’appui de proches pour assurer nos arrières, on se sert les coudes encore marmots en se répétant que c’est la vie… mais que la vie est belle!
    Et quand l’anniversaire d’un camarade arrive et que je lui offre un énième dessin gribouillé à l’arrière d’un journal, s’éveillent alors toujours des sourires véritables contre la faim.
    Enfin, encore faut-il ne pas trop basculer vers la grisaille d’esprit, résisté à l’exclusion pour continuer à chanter cette vie de bohème dans ses aspects les plus lyriques.
    C’est un combat de tous les jours pour de meilleurs lendemains… enfin on s’accroche à des pensées comme celle-là quand on a rien.
    On essaye de faire abstraction des avis à ceux qui se permettent de vous dire de vous bouger le cul si vous voulez vous en sortir…
    Mais notre seuil de tolérance est variable…
    Il y en a beaucoup, malheureusement, qui sous-estiment à quel point on peut être jeune, débordant de créativité et de motivation et pourtant en réel difficulté d’intégration.
    Alors que les marmots dont je vous parle sont plus souvent guidés par leur instinct de survie que par leurs envies.

  5. Un défi qui me semblait surréaliste pour un chômeur et sa condition! Petite parenthèse liminaire, le papa au gouvernement n’aide que très peu avant que l’on se rende compte de l’incompétence de la personne et les vraies qualités finissent par être reconnues, parole de fonctionnaire qui a mis deux ans avant de trouver un poste! Fin de la parenthèse.
    La conséquence sociale paraît tellement logique, d’ailleurs on ne la vit pas qu’au chômage, pensez aux accidents de la vie : maladie, accident, … Qui entraînent au final la même conséquence : vivre avec un rmi ou une aah, au final, mieux vaut vivre avec un rmi car il y a plus d’avantages sociaux.
    D’où c’est que notre société d’amis aux moeurs policées n’eut pas été formée au manque d’argent, qui a toujours existé, rappelez-vous, le plein emploi est un leurre, il y a toujours du chômage. Pour ma part, depuis un an, plus un rond pour manger si je veux avoir un toit et pourtant j’ai un salaire, la maladie a toqué à ma porte et je passe pour celle qui en fait trop et jette son argent par les fenêtres, dixit le laïus parental qui estime que la maladie n’est qu’un prétexte. Je ne sais pas où ils vont chercher que ne pas avoir à manger est un choix…Malheureusement, beaucoup (trop) de personnes sont encore comme eux!
    Mes félicitations à la testeuse, tout mon courage à ceux qui recherchent encore à travailler malgré la conjoncture tout à fait improbable qui nous entoure.

  6. Je suis heureuse d’avoir lu ici la réponse de Jimily qui me redonne espoir en une certaine humanité et je te plains amie chomeuse d’avoir un environnement tel qu’au bout d’1 petite semaine tu ressentais déjà ce malaise de ne pas avoir d’argent.

  7. Très belle conclusion. Réflexions mêlant la sagesse au bon goût. Le social est effectivement un défi dans la mesure où l’on n’est pas entouré de semblables… sinon, en soi, je crois que cela se serait passé différemment…

  8. Dans le genre « peu d’argent mais vie sociale quand même » j’avais testé un truc pas sympa du tout: tu te restreins un max, une mini salade et un verre d’eau en carafe pendant que les autres s’empiffrent. Et à la fin, ya toujours un abruti pour proposer « C’est plus simple, on divise l’addition par douze ».
    Le pire, c’est que TU OSES PAS PROTESTER!

    1. @cultive ton jardin : c’est l’histoire de ma vie ! C’est extrêmement délicat, je n’ai effectivement jamais osé dire « ouais, ou bien chacun paie ce qu’il a bouffé ? ». Sans complice dans l’assistance pour dire « ben non, c’est pas très juste pour Machin », c’est mort.

  9. Superbe expérience… pour les transports en commun, pourquoi ne pas simplement ne pas le payer (ce que je fais depuis des années, mas ptet qu’à Bruxelles c’est plus faisable qu’à Paris ?), pour la nourriture, ah, ça m’arrive tout le temps… quand j’ai rien à bouffer, je bois… du coca light : inconvénient, aller faire pipi trop souvent, avantage : on n’a pas faim.
    Quand y a plus de coca light, là, je commence à déprimer, je crois pas qu’ils rajoutent de drogues euphorisantes dans l’eau du robinet, c’est vachement plus dur… Les relations sociales c’est mon point fort : je m’en passe très bien, même mieux, je les fuis la plupart du temps… reste donc les livres de la bibliothèque, les animaux à tartiner de bisous gratos, le jardinet où méditer (encore un avantage de Bruxelles sur Paris, on a des ptits jardins ^^) et les copains fauchés comme moi, puis, de temps en temps, un moins fauché qui m’invite au resto où ma seule difficulté est de trouver un plat végétarien (mais j’y arrive toujours !) Ah oui, y a le bénévolat aussi : mais parfois ça coûte trop cher d’être bénévole (transport en train par exemple, moi j’allais brosser les écuries dans un refuge pour chevaux).
    Je ne sais pas ce qu’on pense de Coluche séant, mais en tout cas j’aime bien la phrase : « les fins de mois sont dures, surtout les 30 derniers jours », mais on apprend à vivre comme ça, et, plus pernicieux, à l’apprécier…

    1. @Kate : je te confirme, à Bruxelles (ville que j’aime beaucoup), il est beaucoup plus facile de frauder qu’à Paris. Merci pour ton commentaire, la phrase de Coluche me plait beaucoup !

  10. Mon amie chômeuse, un vrai plaisir de vous lire…..
    Me voilà, moi, chômeuse en fin de droit depuis un mois. Ne rien dépenser voilà une bonne idée qui m’arrangerait mais faut bien manger, faut bien se laver, faut bien se chauffer…. c’est le strict minimum.
    Maman d’une petite fille de 10 mois, et donc des responsabilités.
    Ma chance être propriétaire, j’ai déjà le loyer en moins, je ne vis pas seule, mais je ne suis pas mariée alors chacun son compte, chacun ses frais c’est moite-moite, droit à rien car je vis en concubinage. Voilà mon calvaire. Ma deuxième chance c’est que du coup j’ai demandé un agrément pour être assistante maternelle(mais ça ne gagne pas des masses) je garde une petite fille ça me fait 300€/mois voilà je vis avec ça. Alors je ne m’achète plus rien, je ne sors pas, j’utilise mes pieds aussi souvent que possible, j’agrémente les restes, c’est fou l’ingéniosité que l’on peut développer, je suis devenue une adepte des brocantes et j’adore ça, trouver l’objet qui me conviendra, du coup on a une déco très personnelle….. Y’a
    Je ne suis pas malheureuse j’ai ma fille, mais un p’tit tour chez l’esthéticienne et chez le coiffeur me ferait du bien, mais ça c’est fini pour moi.
    Espérons que la crise ne viendra pas à nouveau nous mettre un coup de massu.
    Au plaisir mon amie chômeuse

    1. @KrYsTyNa : merci pour ce gentil commentaire, je suis davantage habituée aux insultes de la part de ceux qui galèrent vraiment… Car je n’ai pas d’enfants, peu de frais, et j’ai toujours réussi à me débrouiller pour bosser juste ce qu’il faut ; mais j’ai bien conscience que tout est différent dès lors qu’on a une famille. Ravie que la lecture de mes bêtises vous ait fait plaisir, et à bientôt j’espère.

  11. Tous ces témoignages.. L’essence même de ce Blog montre bien qu’il y a un problème mais qui s’en soucie ?
    Au final autant se dire qu’on restera dans notre merde.
    En parlant d’être isolé je comprend tout à fait tous les Aspects du mot..
    En couple, obligé de déménager près de Montpellier pour trouver Boulots (et encore ça a été dur: quelques mois, Bidouillage de CV, Aller retours de 80km le temps de trouver Appart..)
    Résultat: Isolés car famille et Amis sont à 80km, Isolés car même en ayant un boulot (chacun) on galère (loyer exorbitant..etc) donc pas de sous pour l’essence (aller voir famille et amis), pas de sous pour ciné, restau ou même mc do… Des fois même pas de sous pour remplir le Frigo alors..
    Puis pas possibilité de faire la Pique assiette.. Ah si à mon boulot (la chance j’suis vendeuse en boulangerie^^) trop cool.. « Dis je pourrais payer ma note la semaine prochaine »
    Ca le fais non ??
    Le pire c’est que j’aurais adoré faire des études, mon ami aussi mais pas de sous.. Toujours le même cercle vicieux..

  12. cultiver son jardin,
    tiens ça c’est une idée… justement. Une mienne amie que j’ai connue quand j’étais dans les miasmes du chômage en 2006 (j’y suis toujours un peu mais j’en ai pris mon parti, ai pratiqué les joies de l’A16 autant que j’ai pu car j’adore voir des jeunes diplômés avec des BMW et pas très heureux, et même franchement odieux et rébarbatifs… le bonheur est de dissocier le moi du non-moi en tenant compte que je sais être heureux en forêt par exemple, ou jouir du non-stress, eux sont eux, et moi, et moi, comme chantait Dutronc) donc ma mienne amie, dotée d’une solidité à toute épreuve rentra d’affrique et fut au chômage. Maint’nant elle a une petite retraite, sorte de RMI… pardon RSA et invite ses copines à table. Elle m’avoue que si elle fait pas comme ça, elle ne voit personne, ou presque. Mon amie chômeuse sait-elle ce que le mot égoïsme veut dire? Comment l’éviter? Les chômeurs sont en nombre… souffrir du manque d’argent est difficile, se passer de pain aussi. Garder le moral par tous les moyens est impératif. Si le corps souffre c’est supportable. Mais souffrir en plus des autres dans l’âme NON! Il faut les fouetter et les contraindre à discuter des sujets que vous aurez choisis! Là, ça fait la différence. Et là ils reverront leurs valeurs à la baisse. Au chien qui remue la queue on fait caresse, à celui qui montre les dents on riposte. Evidemment notre jardin secret est à l’abri. Culot monstre et sincérité. Je vous aime, la lutte est belle; quand vous aurez 75 ans vous regretterez ces jours bénis où vous avez fait la guerre, mes chères chômeuses! Ainsi parlait Zarathoustra…

  13. a vrai dire je suis sidérée d’entendre tout ceci.pas assez d’argent pour remplir la voiture,a peine de quoi manger,pas de travail,ne pas pouvoir avoir une vir sociale,etcccc….mais on est bien en France????ou dans un pays sous développé????c’est bien de la France qu’il s’agit??????un pays europeen et une grande puisssnce mondiale????? ça m’epatte tout ca!!!!Mais alors ou va l’argent des contribuables?les impots que les francais payent?il ne devrait pas y avoir de gens pauvres en France!!!!! c’est une honte pour la France et sa grandeur.

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