C’est devenu un jeu : quand j’arrive chez quelqu’un, je cherche le livre de cuisine d’Ottolenghi. Si c’est l’heure du dîner, c’est facile, il est encore ouvert sur le plan de travail. Parfois ça me prend quelques minutes de plus, je regarde sur la table basse, sur les étagères de la cuisine…
Camarade me croiras-tu si je te dis que je le trouve à chaque fois ? 100% de réussite. J’en tire la conclusion qui s’impose : le livre de cuisine d’Ottolenghi est le nouveau marqueur social des gens de mon espèce.

Il y a quelques années, j’avais écrit un article sur le savon pour les mains Aesop qui s’était diffusé des restaurants chics jusqu’aux salles de bain et cuisines de la totalité de mes amies. Etant tout à fait poreuse aux injonctions non-verbales de mon époque, j’avais moi-même claqué 31€ pour faire partie de la caste.
Depuis, le prix du savon Aesop a augmenté de 8€ pour atteindre, donc, 39€ les 500ml. Et surtout la marque a été rachetée en 2023 par le groupe L’Oréal – je l’ignorais, mais inconsciemment ça a dû participer à mon désintérêt pour elle.
Car ce n’est plus au flacon d’Aesop qu’on reconnaît une maison de goût, c’est à l’odeur de chou-fleur rôti qui s’en dégage.
C’est le premier indice de la présence d’Ottolenghi, l’odeur de chou-fleur. Et d’ailleurs je m’en félicite, moi qui n’aime pas manger de viande ; il y a encore 5 ans, personne ne recevait d’invités avec un légume en plat principal, ça n’existait pas. Aujourd’hui c’est plus que possible, c’est chic.
On le sert avec du tahini. Du zahatar. Des graines d’épine vinette. Des citrons confits d’Iran ou des pickles de mangue poivrée. Que des trucs qu’on ne connaît pas. On me dit que la tendance est désormais d’offrir le livre accompagné de son stock d’ingrédients introuvables, pour éviter tout découragement.
Évidemment, pour la raison sus-mentionnée, j’ai eu envie de demander un livre d’Ottolenghi à Noël. Moi qui ne cuisine jamais, j’ai eu envie envie envie.
Mais avant, j’ai fait une petite recherche sur Ottolenghi lui-même, car vois-tu ce n’est pas seulement un livre mais un individu. Lequel est anglo-israélien et doté d’une assez bonne tête.

J’apprends que Yotam Ottolenghi est né à Jerusalem et qu’il a écrit son premier livre avec Sami Tamimi, né à Jérusalem lui aussi, mais dans la partie arabe de la ville. J’ai pensé que c’était beau comme symbole. Sauf que de toute évidence Sami Tamimi a été ghosté de la suite du programme puisque personne n’a retenu son nom. Moins beau, du coup.
Je lis que la fortune d’Ottolenghi s’élève à près de 28 millions de livres (il vit à Londres) et qu’il organise des tournées pour accompagner la sortie de chaque nouveau livre – comme Taylor Swift, sauf que sur scène, il fait des crêpes.
J’ai voulu savoir s’il se vendait plus de chou-fleurs depuis qu’Ottolenghi est devenu Taylor Swift et il semble que non. Moi qui croyais tenir quelque chose, j’étais déçue.
A la fin je ne savais plus trop si j’avais envie d’un Ottolenghi. Alors pour Noël j’ai opté pour un entre-deux. J’ai commandé une cocotte, et un savon Diptyque.